Wind River redevient presque indépendante, exit Intel, et se relance sur l’IoT

Par:
yvesgrandmontagne

lun, 02/07/2018 - 12:15

C’est un paradoxe, en ayant revendu Wind River au fonds TPG Capital, Intel se prive d’une pépite mais pourrait bien donner sa chance à la vielle dame des OS embarqués et temps réel de relancer son activité et d’agrandir ‘agressivement’ sa place vers le marché de l’IoT.

Wind River, créée en 1981, appartient à cette famille d’entreprises dont le quidam ignore tout, mais qui pourtant est bien présente dans une multitude d’équipements. Wind River est en effet un éditeur de systèmes d’exploitation embarqués, dont VxWorks, un OS temps réel. Exemple prestigieux, c’est un OS Wind River qui motorise les robots martiens de la NASA, ceux dont la durée de vie annoncée de trois semaine se prolonge depuis des années sur la planète rouge.

La parenthèse Intel

A l’origine, les OS Wind River équipaient, aujourd’hui encore, les équipements des télécoms. Spécificité de ces logiciels, la robustesse et la durée de vie de ces équipements et du logiciel qui les pilote, qui les destinent aux architectures critiques. Nous sommes dans l’industrie, où ce type d’application très compacte et robuste s’impose, et l’éditeur va continuer de se faire sa place dans ce milieu moins connu du monde du développement logiciel. Application propriétaire, VxWorks va dès le milieu des années 2000 céder un peu de place à un environnement Linux, avec plus particulièrement RT Linux acquis en 2007. C’est probablement ce qui a séduit Intel, qui a acquis Wind River en 2009, se dotant ainsi d’un pôle logiciel en mesure de répondre à son ambition de multiplier les domaines d’activité.

Depuis, la roue a tourné pour Intel, et pas forcément dans le bon sens. Adoptant une nouvelle stratégie visant à se concentrer sur son métier de base – fondeur qui assure le design et la fabrication de composants et de processeurs – le groupe se sépare depuis quelque temps de ses actifs non stratégiques. Et Wind River va été vendu par Intel au fonds TPG Capital.

Ce n’est évidemment pas la vision que nous offre Jim Douglas, président et désormais CEO de Wind River, de cette acquisition. Dans un entretien qu’il nous a accordé, il nous a présenté l’acquisition comme le moyen de « faire le meilleur », dans une logique de « croissance organique ». « Wind River est une entreprise commerciale, qui dispose d’une bonne énergie qu’elle distille avec intelligence. C’est désormais une entreprise différente, qui se sépare des coûts non nécessaires (sous entendu le prix à payer chez Intel) avec un tour (financier) dont la logique répond à nos besoins d’investissements et pour compléter notre R&D ».

De l’automatisation vers l’autonomisation

Jim Douglas fait le constat que le focus sur les architectures critiques, une approche vieillissante qui date des années 90, doit céder sa place au mouvement depuis longtemps engagé de bascule du matériel vers le logiciel. « C’est un changement important pour nos clients, une tendance à l’accélération qui demande un énorme rafraichissement et de nouveaux modèles économiques ». Cette nouvelle vision se traduit – pas si nouvelle, cela dit, au point qu’il est légitime de se demander si la réaction n’arrive pas un peu tard ? - se décline sur plusieurs axes. Tout d’abord, l’extension des plateformes vers de nouveaux marchés, comme l’IoT, les robots, les drones civils et militaires, les véhicules connectés et autonomes, les usines connectées.

L’autre axe, toujours industriel, est également sensible, Jim Douglas l’assimile à une tendance majeure, celle de la migration des datacenters vers la virtualisation. Avant de revenir vers une actualité IT :  « L’IoT est un exemple important, avec son besoin de connectivité et d’extraction des données. Nous assistons à une transformation de l’automatisation vers l’autonomisation. C’est puissant et source d’une forte croissance ». Et d’expliquer avec une certaine ironie que traditionnellement l’éditeur équipe des boîtes pour 40 ans. « Aujourd’hui, les process changent, comme la typologie du manufacturing. Les développeurs sont sur un run non-stop qui repose sur des workloads de consolidation et de virtualisation. Ce qui a changé, ce sont les ressources, la performance, la disponibilité et la réactivité ».

Se montrer plus agressif

Et lorsque nous nous inquiétons de savoir ce qu’il va advenir de l’existant, de 40 ans de développements dans l’industrie et du support, il nous répond à destination de son écosystème : « Continuez le business, ne changez pas l’opérationnel, nous restons les mêmes. Nous essayons d’être plus agressifs, de prendre les technologie et de les porter vers un monde meilleur ». 

L’acquéreur, TPG Capital, n’est pas un inconnu. C’est un fonds alternatif qui gère plus de 86 milliards de dollars (!) d’actifs dans le monde entier. Nul doute qu’il cherchera la performance de sa nouvelle entrée au portefeuille. Quelque part, c’est rassurant, nous devrions encore longtemps continuer de suivre Wind River, dont nous attendons la concrétisation des premiers effets liés à l’acquisition et à l’augmentation attendue de la capacité d’investissement. En la matière, l’éditeur devrait suivre la tendance et nous devrions rapidement le revoir sur l’IoT. De quoi continuer de motoriser des centaines de millions d’équipements connectés, sans savoir qui fournit l’OS embarqué et temps réel sur lequel tourne l’application !

Yves Grandmontagne