Quelles réalités derrière les réseaux multi-opérateurs ?

Par :
Mathieu Bichon

jeu, 12/05/2011 - 18:04

Si l’intérêt principal du Cloud Computing réside dans les économies potentielles qu’il peut faire réaliser aux entreprises qui l’adoptent (37,4 milliards d'euros d’économies réalisées en France à l'horizon 2015 selon les derniers chiffres du CEBR), il est aussi porteur de nombreux avantages en matière de souplesse des infrastructures et de disponibilité des données. Mais cette tendance à l’externalisation des applications - et donc à la centralisation - a remis en avant l’importance de la continuité de service des infrastructures télécoms. Pour permettre au DSI d’adresser ces enjeux de disponibilité, la meilleure réponse possible reste l’axe multi-opérateurs. Pourtant, de nombreuses DSI s’interrogent encore sur l’intérêt d’opter pour ce type d’infrastructures et sur les coûts engendrés : multiplicité des offres opérateurs, complexité de la mise en oeuvre… Quelles réalités se cachent derrière ce concept ? Par Mathieu Bichon, Chef de Produit Télécoms (VeePee).

Deux niveaux de propositions

Si le Cloud Computing reste la première préoccupation des DSI1 tous secteurs confondus en 2011, l’accès aux applications de l’entreprise devient alors un enjeu important pour les Directions Informatiques. C’est dans ce contexte que le choix d’un WAN multi-opérateurs est une solution à la fiabilisation du réseau, gage de disponibilité. Cependant, il est important de définir ce qui se cache derrière le terme « multi-opérateurs ».

Premier niveau : les « offres multi-opérateurs »

Cette facette « commerciale » du terme multi-opérateurs consiste à accéder au catalogue de plusieurs opérateurs afin de pouvoir, selon les sites géographiques, disposer d’un maximum de choix possibles pour la construction d’un WAN. Plus le choix est important, plus la sélection selon les critères d’éligibilité, de prix, de débits, de technologies, etc…sera optimisée.

Second niveau : les « infrastructures multi-opérateurs »

C’est le multi-opérateur vu sous l’angle technologique : il s’agit de redonder les liens d’accès au réseau en proposant, pour un même site, deux liaisons (ou plus) sur (au moins) deux opérateurs différents, de manière à minimiser l’impact de la défaillance de l’un d’eux. Rappelons que l’interruption de service est inévitable au niveau d’un prestataire : non seulement les opérateurs subissent des coupures accidentelles sur leur réseau, mais ils sont également obligés de provoquer des interruptions pour effectuer des opérations de maintenance. Lorsqu’un site est mono-raccordé, l’impact d’une coupure réseau peut être pénalisant pour l’activité du site.

La réponse consiste donc d’une part à prévoir un lien de secours, et d’autre part à choisir pour ce lien de secours un opérateur différent du premier – la probabilité que les 2 liens soient simultanément coupés étant bien sûr très faible. L’idéal est alors d’identifier pour ces 2 liens deux chemins physiques complètement distincts, de telle sorte qu’en cas de coupure au niveau du réseau d’un opérateur, le service de connectivité reste disponible (seuls les débits peuvent se trouver réduits).

Plusieurs liens physiques, mais une seule route logique

Multiplier les liens ne suffit pas pour parler d’une architecture multi-opérateurs : il est primordial d’y ajouter de l’intelligence. C’est un savoir-faire qui va permettre d’agréger les liens – et éviter de payer un lien de secours qui serait inactif la majorité du temps !

- Tout d’abord, il faut que la bascule des flux d’un lien vers l’autre soit automatisée en cas d’incident,

- De plus, il est nécessaire d’assurer une gestion de la QoS (qualité de service) pour identifier et prioriser les informations qui vont transiter sur chacun des liens. Quitte à mettre un lien de secours, autant en effet qu’il soit utilisé – ce qui suppose une répartition intelligente des flux.

Ces 2 mécanismes (bascule automatique des flux d’un lien vers l’autre en cas de défaillance + utilisation des 2 liens en « ACTIF / ACTIF » pour profiter de la somme des bandes passantes) permettent de voir l’ensemble des liens comme un seul « réseau logique » - et c’est là tout l’intérêt d’une architecture multi-opérateurs.

Redonder pour plus de disponibilité !

Il s’agit donc, pour un site donné, de rechercher dans le catalogue de toutes les offres opérateurs possibles celles qui vont permettre d’assurer le niveau de redondance maximale, c'est-à-dire choisir les 2 chemins physiquement les plus séparés, de bout-en-bout. L’exemple ci-dessous permet d’illustrer le bénéfice de la redondance :

 

Ici, les deux liens (proposés en actif/actif), sont portés par 2 Backbones opérateurs différents : nous sommes dans un cas d’infrastructure multi-opérateurs, le secours étant assuré par un lien d’un opérateur différent du premier, avec une bascule automatique en cas de défaillance d’un des liens.

Le taux de disponibilité du réseau présenté est de 99,93% soit une durée annuelle d’interruption du service moyenne de 3h20 minutes – à titre de comparaison, la disponibilité du même site raccordé en mono-lien serait de 99,8%, ce qui représente une durée moyenne d’interruption de plus de 17 heures !

Il est à noter que, comme le lien de secours n’est pas totalement dégroupé, un SPOF2 est toujours existant au niveau du NRA et du DSLAM3. Un dégroupage total permettrait bien sûr d’atteindre un taux de disponibilité encore supérieur (99,96%) – mais déjà dans le cas présent, l’utilisation d’une infrastructure multi-opérateurs permet de réduire le risque de coupure de service sur le site de plus de 80%...

 

Le risque nul n’existe pas !

Pour autant, dans un réseau multi-sites, la réalité terrain ne permet pas toujours d’offrir 100% de redondance, car cette dernière est étroitement liée à l’écosystème des opérateurs présents : de nombreux accords entre les différents opérateurs impliquent le recoupement de certaines routes. A titre d’exemple, le développement des DSP (Délégation de Service Public) régionales permet d’élargir le choix local en termes d’offres. Cependant, certains opérateurs alternatifs ayant contractualisé avec ces nouveaux acteurs, un DSI optant pour un opérateur ne saura pas qu’il passe en fait par sa DSP locale.

Dans le cas de figure où il reste des SPOFs, il est important de les identifier pour mesurer leurs impacts possibles sur l’entreprise, et prévoir des solutions alternatives afin de les minimiser.

L’ensemble d’une architecture multi-sites ne nécessite d’ailleurs pas forcément une redondance totale. En effet, certains sites identifiés comme critiques devront être en déployés en infrastructure multi-opérateurs pour répondre aux enjeux des applications (cas d’un site central dans le cadre de la mise en place d’un ERP, par exemple). Pour d’autres sites moins critiques, un lien unique pourra être suffisant, et l’arbitrage pourra

simplement être fait entre une solution garantie (de type SDSL par exemple), ou non (ADSL). Mais même dans ce cas, avoir accès à un catalogue multi-opérateurs reste intéressant car il est alors possible de choisir le lien de meilleur rapport qualité/prix.

 

Double lien signifie-t-il double prix ?

Malgré l’intérêt fonctionnel, certains DSI redoutent que le coût d’une infrastructure multi opérateurs ne soit incompatible avec leurs contraintes budgétaires. Or deux liens redondés ne coûtent pas deux fois plus cher qu’une architecture mono-lien :

- En effet, l’accès à un catalogue multi-opérateurs permet d’aller choisir, pour chaque site, les équations technico-économiques les plus rentables.

- De plus, lorsque les deux liens choisis sont déployés en Actif / Actif, alors la valeur ajoutée va résider dans l’exploitation agrégée de ces 2 liens (exemple : l’un supporte les data, l’autre la voix…). L’équipement d’extrémité sera ainsi mieux rentabilisé.

 

Gestion interne ou externalisation : un arbitrage pour la DSI

Grâce au dégroupage et au développement des DSP, les DSI ont maintenant à leur disposition une offre beaucoup plus large, tant en termes d’acteurs qu’en termes de technologies. Ce choix plus important est aussi générateur de complexité, ce qui amène un nombre croissant de DSI à s’interroger sur la pertinence du modèle de gestion de leur réseau :

- Soit la DSI décide de gérer en interne directement les différents opérateurs,

- Soit elle confie son réseau à un prestataire tiers qui assure cette passerelle entre les différents opérateurs. On parle alors « d’opérateur d’opérateurs », métier qui nécessite un savoir-faire à différents niveaux :

 

1/ Tout d’abord, une expertise dans le design de la topologie de l’architecture : le prestataire doit pouvoir orienter le client dans le choix des opérateurs et des technologies, en fonction de la criticité et de l’implantation des sites. Une fois la conception réalisée, il doit pouvoir mener l’installation dans les meilleures conditions pour le client : la mise en oeuvre est un projet de coordination de l’ensemble des opérateurs et des acteurs, avec une dimension importante qui concerne les migrations de l’ensemble des sites, dans le respect des contraintes de l’activité.

 

2/ Un prestataire doit également pouvoir apporter une valeur ajoutée au client en termes d’exploitation au quotidien, en garantissant une réactivité face aux incidents équivalente, voire supérieure, à ce que pourrait faire la DSI. La DSI doit être informée en temps réel de toute activité sur son réseau, même quand les liens de secours rendent un dysfonctionnement imperceptible pour les utilisateurs : cette « proactivité » à fournir de l’information est un indicateur fort.

 

3/ L’aspect administratif est à prendre en compte : via son rôle de « guichet unique », l’opérateur d’opérateurs fédère les facturations et présente au client une facturation globale – il apporte ainsi une réelle simplification, et des économies non négligeables.

 

4/ Enfin, un prestataire doit être à même de fournir des outils et des indicateurs pour évaluer la performance du réseau en temps réel et en toute transparence, ce qui permet d’avoir des rapports détaillés appréciés par les DSI pour leur gouvernance : le client s'adresse à un interlocuteur dont le métier est de fournir de l'information et du reporting sur tous les évènements qui impactent les services.

 

Le choix d’un réseau multi-opérateurs est donc un gage de fiabilité qui va permettre à la DSI d’envisager plus sereinement la gestion des activités métiers et l’évolution des applications IT. L’option « gestion externalisée » doit, logiquement, permettre à la DSI de s’affranchir de la complexité qu’engendre ce type d’architecture – en lui permettant de s’appuyer sur un acteur dont le métier consiste à lui fournir une qualité de service et une visibilité en temps réel sur l’activité de son réseau.

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Mathieu Bichon