Le Document Unique, une gestion obligatoire

Par :
Frédéric Mazué

mar, 15/09/2009 - 14:26

En France, le Document Unique (ou Document Unique de Sécurité - DU ou DUS), a été introduit par le décret n° 2001-1016 du 5 novembre 2001. Ce décret découle d’une directive européenne sur la prévention des risques professionnels. Il est obligatoire pour toutes les entreprises et associations de plus de un salarié. Explications de Marc Koffi, Responsable de SIGMA-RH France 

Le Document Unique a pour vocation de consigner par écrit, les résultats de l'évaluation des risques, imposée à tout employeur par le Code du Travail (article R. 4121-1 et suivants du code du travail français).

Marc Koffi, Responsable de SIGMA-RH France 

Le Document Unique d'évaluation des risques professionnels, une obligation légale

Son apparition consacre donc la volonté du législateur de pousser l’employeur à consigner par écrit et sur un seul et unique support :

1.                  Les résultats de la démarche d’évaluation des risques professionnels dans chaque entreprise

2.                  Le regroupement logique et simple de ces risques par unités de travail qui sont des entités homogènes propices à l’analyse et à la prise de mesures (chaque entreprise est libre de définir ce qu’est une unité de travail)

3.                  Les équipements de protection individuelle existants

4.                  Les mesures de prévention existantes

5.                  Le plan d’actions de prévention issu de l’analyse et de la hiérarchisation des risques identifiés

Le Document Unique doit être daté, et régulièrement mis à jour (au moins une fois par an et idéalement à chaque modification majeure sur une unité de travail) afin de mesurer dans le temps l’impact des actions de prévention menées. L’objectif est bien entendu de réduire les accidents du travail et autres nuisances plus ou moins graves liées aux risques identifiés (maladies professionnelles, etc.).

Il n'existe aucun modèle imposé de document Unique, ce qui laisse une liberté de forme aux entreprises, la seule obligation étant qu’il soit réalisé sur un support unique (papier ou numérique). Attention : pour les grandes entreprises, un document unique doit être établi pour chaque établissement.

Il faut aussi savoir que le Document Unique doit être mis à la disposition de tous les acteurs de la prévention des risques :

-          du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail,

-          des délégués du personnel,

-          des salariés,

-          du médecin du travail,

-          de l'inspection du travail,

-          des agents des services prévention des organismes de Sécurité sociale,

-          des organismes professionnels d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, constitués dans les branches d'activité à hauts risques.

Plus récemment, le Décret n° 2008-1347 du 17 décembre 2008 a établi que l’employeur est formellement tenu d’informer ses salariés de l’existence du Document Unique. Il doit notamment le rendre accessible à tous pour consultation et information, ce temps d’information des salariés sur les risques relatifs à leur santé et à leur sécurité étant considéré comme du temps de travail.

Pour information, toutes ces obligations sont précisées dans la circulaire DRT n° 2002-06 du 18 avril 2002 publiée au Bulletin Officiel du Ministère du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle n° 2002/10 du 5 juin 2002 consultable sur le site www.travail-solidarite.gouv.fr/ .

Les risques encourus par l’employeur

Selon la loi, l'amélioration des conditions de travail, la protection des salariés contre l'ensemble des nuisances et contre les risques d'accident du travail ou de maladie professionnelle incombent exclusivement à l’employeur qui peut se faire aider dans cette tâche par la Médecine du Travail, le CHSCT ou d’autres instances ou organismes habilités.

Les sanctions prévues sont nombreuses et consignés dans le Droit du Travail (cf. articles 4121-1 et suivants, et articles 4146 et suivants). De façon générale nous pouvons retenir les sanctions suivantes :

- L'absence de Document Unique prouvant une démarche d’évaluation des risques et d’amélioration continue peut, en cas de contrôle de l'inspection du travail, être sanctionnée d’une amende de cinquième classe (3 000 euros) qui peut être doublée en cas de récidive. 

- L’absence ou la non-conformité de l’affichage du Document Unique expose également l’employeur à des amendes.

- En cas d'accident de travail ou de maladie professionnelle, la responsabilité civile de l’employeur peut être engagée si la faute inexcusable est reconnue entraînant une réparation du préjudice subi (souffrances morales et physiques, esthétiques...) et une cotisation complémentaire en remboursement de la rente majorée servie par la sécurité sociale. L’absence de Document Unique comme preuve d’une démarche d’évaluation et d’amélioration des conditions de travail constitue une preuve allant dans le sens de la faute inexcusable de l’employeur. Le dirigeant risque un an d’emprisonnement et une forte amende (15 000€), l’entreprise peut être condamnée à payer une forte amende allant de 75 000 à 225 000€.

La législation sur le sujet est plutôt fournie et relativement contraignante pour l’employeur. Certaines jurisprudences sur la question vont même jusqu’à établir une obligation de résultat de l’employeur qui dans certains cas, se voit sommé de revoir son organisation afin de répondre aux exigences de sécurité au travail. Certains cas de suicides à domicile – dont il a été établi qu’ils étaient consécutifs à de mauvaises conditions de travail (notamment le stress) – on été requalifiés en accidents du travail engageant la responsabilité de l’employeur.

Dans ce contexte, on peut aisément comprendre que pour bon nombre d’entreprises, la mise en place du Document Unique peut être motivée essentiellement par des raisons de mise en conformité légale. Pourtant le Document Unique peut – et selon moi doit – aussi être abordé sous un angle économique, comme un outil contribuant à la performance globale de l’entreprise et donc à sa rentabilité.

La question du stress au travail.

Le stress fait partie des risques psychosociaux qui doivent être consignés dans le Document Unique. Cette catégorie de risques inclut également les violences externes et les violences internes dont le harcèlement moral mais aussi le sentiment de mal-être au travail.

Au niveau européen, environ 20 % des salariés estiment que leur santé est affectée par des problèmes de stress au travail. Et en France un sondage CSA fait ressortir que 41% des salariés acceptent de reconnaître qu’ils sont stressés.

En fait, les troubles psychosociaux constituent l’un des principaux problèmes de santé au travail, derrière les troubles musculo-squelettiques (mal de dos, etc.) et la fatigue (cf. dernière enquête de la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de travail).

Soulignons que le diagnostique du stress en entreprise en est à ses balbutiements pour des raisons techniques (on touche à la psychologie) et culturelles (le stress est perçu comme un aveu de faiblesse). Il est donc nécessaire de poursuivre l’effort de sensibilisation d’une part et de rassembler un certain nombre de compétences internes et externes d’autre part.

Les principales mesures de prévention du stress sont d’ordre organisationnel (reconfiguration d’un espace de travail par exemple) ou relationnel (formation à une meilleure écoute entre collaborateurs, etc.).

Le Document Unique, un réel investissement rentable pour les entreprises

En dehors du cadre purement coercitif de la loi, le Document Unique a un impact économique certain pour l’entreprise. Il contribue à sa performance et à sa rentabilité. Il est donc important de dépasser le réflexe de mise en conformité et d’adopter une logique d’investissement avec des retours économiques concrets.

Tout d’abord, l’absence de prévention des risques multiplie les risques d’accidents de travail (AT). D’un point de vue administratif et comptable, un accident de travail coûte très cher et va coûter encore plus cher à l’avenir. Par exemple, un décès consécutif à un accident du travail génère des charges avoisinant les 600 000€ pour l’entreprise, sans oublier les impacts dévastateurs qu’un tel événement génère auprès des collaborateurs.

Au niveau de la Sécurité Sociale, nous savons que la branche Accidents du Travail – Maladies Professionnelles (AT-MP) est sous surveillance et que le gouvernement donne des signaux forts pour une meilleure prise en compte de la prévention des risques professionnels par l’employeur. L’aggravation du déficit de la Sécurité Sociale va amplifier la vigilance étatique et conduire à une pénalisation économique plus forte des entreprises qui seront concernées par des AT ou des arrêts maladie consécutifs à de mauvaises conditions de travail.

Du point de vue de l’activité économique, les coûts indirects d’une mauvaise gestion de la prévention des risques sont nombreux :

-                      Perte de productivité consécutive au temps passé pour traiter l’accident de travail (secours, formalités administratives, dégâts causés au matériel de travail, etc.).

-                      Désorganisation suscitée par l’absence de la victime qui peut se traduire par des rallongements des délais de production ou la dégradation de la qualité du service aux clients.

-                      Démotivation des collaborateurs en place suite au choc psychologique dû à l’accident et/ou aux conséquences organisationnelles (surcharge de travail).

-                      Absentéisme : le micro absentéisme souvent provoqué par des personnes en situation de stress ou l’absentéisme plus long pour cause de maladie peut coûter très cher à l’entreprise. En moyenne, on peut considérer que 1% d’absentéisme supplémentaire représente un coût total (direct et indirect) de 1% de la masse salariale.

-                      Dégradation de l’image de marque de l’entreprise : après la rémunération, les conditions de travail représentent l’élément le plus important pour les salariés. La mauvaise publicité que peut générer une mauvaise gestion des conditions de travail peut s’avérer catastrophique pour la capacité de l’entreprise à attirer et fidéliser les talents dont elle a besoin pour se développer.

Le SIRH a un rôle majeur dans l’élaboration et la conduite des impacts du Document Unique dans l’entreprise

Chez SIGMA-RH France, les questions liées à la prévention des risques et à la gestion des Arrêts de Travail (AT) existent depuis la création du Groupe (SIGMA est l’acronyme de Système d’Information pour la Gestion des Maladies et des Accidents). Nous avons plus de 15 années d’expérience sur des marchés très exigeants en matière de prévention des risques, notamment le Canada. En tant qu’éditeur de SIRH, nous innovons fortement en positionnant la Prévention des Risques et des AT comme un processus RH avec de fortes interactions avec les autres processus (Formation, GTA, Dossier Salarié).

Notre module RH Sécurité - Prévention propose un espace de travail dédié pour les spécialistes de la Prévention (Responsables QHSE, médecine du travail, CHSCT). Ces derniers peuvent administrer les processus de gestion des accidents du travail, d’évaluation et de suivi des risques sur le lieu de travail, à savoir :

  • La définition des unités et postes de travail;
  • L’évaluation des risques selon des critères paramétrables;
  • L’enregistrement et l’historisation des données issues de cette évaluation
  • La saisie des mesures correctives;
  • La construction des plans d’actions de prévention et leur suivi quotidien
  • La génération et le suivi du Document Unique

Cette approche de spécialiste est une forte garantie de mise en conformité avec la législation, tout en impliquant les acteurs concernés.

En effet, le Module RH Sécurité – Prévention est une brique de notre solution intégrée SIGMA-RH.net. Nous avons donc veillé à assurer en standard des interactions à forte valeur ajoutée avec les autres processus et acteurs RH :

  • Pour les salariés : information et sensibilisation aux dangers et aux actions de prévention liés à leurs postes. Cette action passe par le Dossier Salarié, les fonctionnalités de Self Service et les automatisations d’envois d’informations disponibles dans l’application.
  • Pour les managers : sensibilisation aux dangers, implication dans la communication auprès des équipes et suivi d’indicateurs opérationnels générés par l’application.
  • Pour les responsables Formation : gestion des habilitations et des impacts sur le plan de formation (plan, planning, budget, cessions, évaluation)
  • Pour les responsables HQSE : un espace de travail dédié, complet et connecté aux autres problématiques de l’entreprise;
  • Pour les DRH : enrichissement de la politique globale RH dans laquelle la gestion des risques prend de plus en plus d’importance, intégration des exigences techniques liées à la sécurité dans les compétences requises pour occuper un poste;
  • Pour les DAF : analyse et maîtrise des coûts afférents aux accidents du travail (impacts sur la productivité, coûts des dommages, …);
  • Pour la médecine du travail : un référentiel unique et évolutif de statistiques permettant de mesurer et améliorer l’impact des actions préventives.

La Prévention des Risques apporte donc beaucoup à la politique générale RH de l’entreprise et contribue fortement à sa rentabilité si elle est bien positionnée dans la politique générale de l’entreprise et traitée comme il se doit dans un système d’information centralisé.

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Frédéric Mazué