L’impact du Cloud Computing sur le mainframe

Par :
Dale Vecchio

jeu, 19/10/2017 - 11:36

Dans un récent article intitulé “The Cloud Computing Tidal Wave”, le journaliste Robert Cringely, suggère que le cloud computing aura un effet tout aussi important sur de nombreuses entreprises que l’arrivée d’Internet en 1995. Cet article reprend la fameuse expression de « raz-de-marée Internet » dans un discours adressé par Bill Gates aux employés de Microsoft pour expliquer l’importance de cette technologie dans le futur de la société. Dans cet article, il est dit que :

« Parmi les grands perdants de l’ère du cloud computing, citons en premier les vénérables mainframes qui ne doivent leur survie qu’à l’utilisation prolongée du vieux code COBOL par les grands groupes, un code trop lourd pour tourner sur un simple PC ou un mini-ordinateur. Mais l’évolutivité illimitée du cloud augure à présent de sérieuses difficultés pour les constructeurs de systèmes mainframes. »

Les commentaires publiés sous cet article sont de tous ordres : « vous avez raison », « vous avez tort », « vous proférez des idioties ». Beaucoup de Baby Boomers, nés entre 1946 et 1964, ont grandi avec cette plateforme. C’est à leurs yeux la meilleure technologie jamais inventée, une technologie que toutes les alternatives comme x86, ARM et cloud ne pourront jamais remplacer. Malheureusement pour les défenseurs du mainframe, les informaticiens actuels ont plutôt tendance à s’en détacher.

Quelle utilisation fait-on du mainframe aujourd’hui ?

Le terme « mainframe » désigne aussi bien le matériel que le logiciel, les langages ou même les systèmes de gestion de base de données utilisés depuis des décennies sur cette plateforme. Et en plus de ces technologies, des disciplines opérationnelles se sont développées au fil des années pour protéger cette ressource stratégique des dysfonctionnements. Les éditeurs des logiciels système ont optimisé la fiabilité et la disponibilité de leurs programmes et des tactiques de développement d’applications et de déploiement ont été élaborées et affinées. J’ai l’habitude, pour plaisanter, de dire qu’il y a une bonne raison à l’absence de bouton « CTL-Alt-Suppr » sur un mainframe ! Le redémarrage comme stratégie de résolution des problèmes n’existe pas dans cet univers. Une entreprise qui envisage de se « séparer de ses systèmes mainframes » doit donc prendre conscience qu’il lui faut se poser d’autres questions que celle de savoir si des serveurs x86 déploieront suffisamment de puissance pour faire tourner la charge de travail.

Les disciples du mainframe arguent très vite des besoins en termes de puissance de calcul et liés aux transactions ou à la fiabilité des 100 plus grandes entreprises mondiales utilisatrices de mainframes (dans le monde de la finance pour la plupart) pour justifier qu’il serait ridicule de vouloir migrer toutes ces ressources dans le cloud. Mettons cet argument de côté pour l’instant. Il faut savoir, en effet, que 90% des systèmes mainframes installés n’exécutent pas autant de transactions que ça et n’ont pas besoin d’une disponibilité de 99,999%. Ils n’ont pas les mêmes exigences de sécurité et de chiffrement que ces grandes institutions de services financiers.

Le cloud peut-il avoir un impact positif sur les systèmes mainframes ?

Ces grands groupes ne peuvent-ils pas basculer 2 000 MIPS (millions d’instructions par seconde) de charge mainframe dans le cloud ? Ne peuvent-ils pas migrer des centaines de gigaoctets de données de leurs systèmes mainframes vers Oracle, SQL Server ou PostgreSQL ? Ne peuvent-ils pas produire des applications codées en Java, C# ou dans tout autre langage envisageable ? La réponse est un grand Oui !

La plupart des utilisateurs des mainframes souhaitent adopter des environnements cloud et x86 modernes, agiles, innovants et meilleur marché. Le mainframe n’est pas mort mais il deviendra de plus en plus marginalisé au haut de gamme de la base installée.

Par conséquent, de nombreux utilisateurs de systèmes mainframes envisagent de délaisser cette plateforme propriétaire dépendante d’un seul fournisseur pour les environnements x86 du commerce. « Et qu’en est-il du cloud ? ». Si l’on comprend bien l’investissement technique réalisé par les fournisseurs de services dans le cloud, mais aussi l’investissement financier colossal qu’ils y réalisent, le mainframe fait pâle figure au vu des lourdes sommes mobilisées dans le cloud. Le nombre des environnements mainframes baisse brutalement, doit-on en déduire que les clients commettent tous une grave erreur ? 

La question de savoir si des entreprises abandonnent le mainframe n’est pas liée à une supériorité technique. Il s’agit plutôt de savoir si elles peuvent assumer le coût et le risque de cette migration. Constater que les transactions financières mondiales tournent sur un mainframe ne signifie pas qu’elles ne peuvent pas tourner sur autre chose. Cela veut simplement dire que la plateforme était reine au moment où ces institutions financières ont conçu leurs systèmes. Ce n’était alors pas un mauvais choix, mais il n’existe pas deux banques ou compagnies d’assurance fondées ces 20 dernières années qui aient construit leurs systèmes centraux bancaires ou d’assurance habitation ou civile sur cet environnement. La question à se poser est : « si c’était à refaire, aujourd’hui, ses utilisateurs actuels referaient-ils le choix du mainframe ? » Ou, autrement dit, « s’ils pouvaient changer d’environnement gratuitement et sans risque, le feraient-ils ? » Nous connaissons bien l’argument : « cela a un coût » et « cela comporte des risques ». Deux réponses à cela : tout d’abord, oui, il y a des risques, mais il existe aussi des moyens d’atténuer le risque au minimum, et, dans un second temps, pensez-vous que continuer de tourner sur un code vieux de 30 ou 40 ans, représentatif des modèles techniques et économiques du passé est sans risque ?

Alors que doivent faire les entreprises ?

Faire leur choix entre l’investissement technique et financier que cela suppose d’expérimenter les différentes options de déploiement et l’effort de formation de toute une équipe à utiliser une technologie vieille de 50 ans ? Conserver une plateforme mainframe n’est pas sans risque ! C’est ce qui explique que de nombreux utilisateurs de systèmes mainframes s’inquiètent de savoir s’ils peuvent migrer « une part seulement » de leur charge de travail actuellement sur mainframe. Peut-être espèrent-ils ainsi valider le fonctionnement des alternatives ? Peut-être espèrent-ils faire des économies ? Peut-être veulent-ils libérer quelques MIPS pour des charges de travail plus critiques ? Quel que soit le motif, les entreprises vont continuer de migrer leurs applications. Nul ne saurait prédire quand la grande bascule aura lieu. Un grand nombre d’utilisateurs de mainframes continuent de fredonner le titre des Clash « Should I Stay or Should I Go? » ! A en croire M. Cringely, le cloud pourrait bien être la voie à suivre.

Toute entreprise qui rechigne à suivre la tendance actuelle de migration des mainframes a tout intérêt à se poser ces questions. Les attaques personnelles du messager sont vaines. Elles peuvent aider à se sentir mieux mais seront sans effet sur le cours des choses dans le futur.

A propos de l'auteur

Dale Vecchio
Directeur Marketing chez Lzlabs