L’organisation de la production informatique

Par :
Frédéric Mazué

mar, 22/12/2009 - 15:01

Aujourd’hui, au sein de la DSI, les équipes de production restent encore trop souvent confinées au rôle de « simple exploitant ». Face aux nombreux défis posés par l’évolution des systèmes d’information et aux besoins croissants de continuité de service, une véritable révolution se profile. La Direction de production est rebaptisée Direction des opérations IT. En effet la dépendance croissante des métiers vis-à-vis du SI demande à la DSI d’industrialiser fortement son offre de services et d’organiser sa production en une vraie Direction des opérations. Celle-ci doit pouvoir justifier ses orientations technologiques et le retour sur investissement de ses projets, afin de devenir pour les métiers un véritable partenaire interne stratégique à valeur ajoutée.

Un fonctionnement trop souvent en mode réactif

Les missions de la « production » tourne classiquement autour de trois grands axes : la garantie de la cohérence de l’infrastructure SI, la responsabilité de la qualité du service rendus aux métiers, la garantie de la maîtrise économique des services fournis. Mais la production est de plus en plus amenée à exercer un contrôle en amont sur les futurs projets et développements et doit donc s’impliquer pour prendre en compte les besoins métiers. Pourtant, son mode de fonctionnement, axé sur la résolution des incidents plutôt que sur leur anticipation, constitue un frein. Ce management réactif se caractérise par la prédominance des coûts récurrents d’exploitation (estimés à 60% du budget informatique) dus à des équipes informatiques fortement segmentées, au manque d’industrialisation des processus et de standardisation des infrastructures, à un outillage de reporting offrant une vision rétrospective plutôt que prospective.

La Direction des opérations doit opérer une mutation pour répondre à la pression conjuguée de l’exploitation opérationnelle quotidienne, des nouvelles demandes en provenance des métiers, des innovations technologiques du marché et des objectifs de réduction des coûts imposés par la Direction générale.

Vers un nouveau modèle d’organisation : orienté activités ? orienté métiers ? ou mixte ?

Désormais, le modèle d’organisation doit évoluer pour prendre en compte deux enjeux majeurs : l’alignement des objectifs de la DSI (et de son organisation) sur la stratégie de l’entreprise et la mise en œuvre d’une approche résolument orientée client.

Le modèle orienté activités est une évolution récente du modèle historique segmenté par technologie. Il organise les opérations IT en usines regroupant les activités par niveau d’intervention quels que soient les technologies et les métiers concernés. Si ce modèle facilite l’implémentation des processus ITIL et la cohérence d’ensemble des systèmes d’information, il présente une forte inadéquation vis-à-vis des besoins parfois très différenciés des métiers, permet difficilement de gérer des applications complexes et d’effectuer un suivi de bout en bout des flux applicatifs.

Le modèle orienté métiers, encore peu répandu, organise les opérations IT par silos métiers. S’il garantit un lien fort entre métier et opération IT à travers une gouvernance locale et par un suivi de bout en bout des flux applicatifs, il peine à assurer un niveau de standardisation et d’harmonisation technologique et à générer des économies.

En organisant les opérations IT en fonction de la segmentation des applications, le modèle mixte activités-métiers garantit l’équilibre entre standardisation et proximité métier.

Quelles mutations pour quels apports ?

La Direction des opérations IT se structure de manière à renforcer une DSI de plus en plus orientée client et à se positionner comme prestataire de service interne à valeur ajoutée pour la Direction des études, les métiers et les utilisateurs finaux.

La Direction des opérations IT est le centre de services infrastructures des études. Elle est en charge de construire et de faire évoluer les applications dans les délais et avec les niveaux de qualité attendus. Pour construire des relations agiles avec les études, la Direction des opérations IT doit veiller à fluidifier les mises en production et à garantir une approche collaborative structurée. Ce sera le rôle d’arbitre joué par un atelier de test et d’intégration et d’un SAS de production.

De plus la Direction des opérations doit rechercher une meilleure adhérence avec les métiers. Elle doit bien souvent combler un déficit de communication entretenant trop peu de relations directes avec les entités métiers. Pourtant, une meilleure information et anticipation des actions permettraient d’éviter les accidents classiques : programmation d’opérations de maintenance sans information des métiers, mises en production retardées par manque de remontée d’informations. Cette meilleure adhérence avec les métiers passe aussi par la création et la mise en œuvre d’instances de gouvernance DSI/métiers.

Quelle stratégie de sourcing pour la Directions des opérations ?

De nombreuses fonctions de la Direction des opérations IT sont aujourd’hui externalisables dans le cadre d’un contrat d’eSourcing, même si les risques pour le client sont connus : monopole du prestataire, perte de contrôle et statu quo en matière de transformation et d’innovation. Pour se prémunir, la Direction des opérations doit définir et réviser régulièrement sa stratégie en veillant au renforcement des équipes internes sur les aspects métiers, au choix d’architecture et gouvernance et en s’assurant d’une remise à plat du lotissement des services confiés au travers des contrats de sourcing. Des critères bien précis influent sur la stratégie de sourcing, leur combinaison déterminant le niveau d’externalisation : la proximité métier, la criticité et la stabilité du composant (application, serveur), mais aussi le niveau de complexité des prestations attendues, le niveau de standardisation, d’industrialisation et de mutualisation, ou pour finir le degré de complexité d’une réversibilité potentielle. 

Une nouvelle Direction des opérations orientée services

L’organisation à mettre en place doit être « orientée services » et non plus basée sur la seule décomposition technologique de l’exploitation des infrastructures. La Direction des opérations IT doit pour cela apprendre une nouvelle langue. Elle a toujours très bien su parler technique, il lui faut maintenant intégrer le langage de l’entreprise et inclure dans son vocabulaire les mots « projet », « business case » et « retour sur investissement ». En effet, la compréhension des enjeux métiers liés au bon fonctionnement du SI exploité (impact d’un arrêt, maîtrise des processus de restitution du service…) est fondamentale. De plus, la Direction des opérations IT doit apprendre à offrir une visibilité de son activité, gérer la relation avec ses clients, savoir s’engager sur des niveaux de service, disposer de process fiables mais aussi de mécanismes offrant souplesse et réactivité.

Il lui faut maintenant concilier industrialisation des activités et mutualisation des ressources avec une écoute client. En un mot, devenir le partenaire des décisions du SI dont l’apport est intelligible par toutes les entités et reconnu par les décideurs.

Solucom est un cabinet de conseil en management et système d’information.

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Frédéric Mazué