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Par :
Remi CLAUDON

lun, 19/09/2011 - 12:11

Pas une semaine ne s’écoule sans qu’on entende parler d’entreprises qui « lancent leur API » (Interface de Programmation d’Application) et décident, ce faisant, de rendre accessibles à des tiers des données et des applications initialement développées pour leur propre compte. Ce mouvement, amorcé au début des années 2000, prend une telle ampleur que proposer ses services sous forme d’API est en passe de devenir aussi incontournable que d’avoir un site Web… Pourquoi cet engouement ? Qu’y a-t-il à gagner dans de ce nouveau mode de distribution et pour qui ? Par Remi CLAUDON Manager chez Keyrus Management.

Au début des années 2000, des acteurs majeurs du commerce en ligne ont eu l’idée de démultiplier leur présence sur la Toile en permettant à des sites tiers d’utiliser tout ou partie des données de leur catalogue de produits. Personne n’imaginait à l’époque qu’en ouvrant leurs API, ces marchands étaient les précurseurs du mouvement qui est en train de redessiner complètement les logiques de développement et de diffusion des services applicatifs. A la base, une API n’est rien d’autre qu’un morceau de code qui permet d’accéder à certaines fonctionnalités d’une application (web ou non) pour les intégrer dans une autre application, ce qui évite de les redévelopper. En soi, l’objet n’est pas nouveau. Ce qui est nouveau, c’est que des entreprises de tous secteurs se mettent à publier les API donnant accès aux contenus et services qu’elles exploitaient jusque-là pour leur propre compte. Le mouvement s’accélère : si seulement 32 API publiques étaient disponibles en 2005, on en recensait 1000 en 2008 et près de 2500 fin 2010 – la plus populaire étant de loin l’API GoogleMaps qui permet à plus de 150 000 sites dans le monde d’offrir des services de visualisation de cartes ou des applications cartographiques plus sophistiquées.

 

Un phénomène contagieux

"Les géants du Web 2.0 tirent le mouvement des API. Ils les utilisent massivement pour multiplier leur trafic et imposer leur marque dans l’univers numérique."

Les géants du e-commerce ont été, on l’a dit, les pionniers de la publication d’API. Depuis, le double phénomène de l’édition et de l’utilisation d’API (de contenu ou de services) s’est étendu à de nombreux secteurs, contribuant au développement d’une myriade de services et d’usages totalement inimaginables il y a quelques années.

Les plus gros contributeurs actuels sont incontestablement les médias et réseaux sociaux – Flickr, Twitter, YouTube et autres acteurs du Web 2.0 – qui, à l’instar de Google, utilisent massivement les API pour multiplier leur trafic et installer leur marque dans l’univers numérique. Le web marchand s’appuie plus que jamais sur les API pour faciliter, étendre et accélérer ses activités. Ainsi, l’ouverture de l’accès aux bases produits de grands marchands tels que eBay, Amazon ou BestBuy a largement favorisé l’explosion des « franchises électroniques » en permettant à tout possesseur d’un site de relayer des offres et de toucher une commission pour les ventes initiées sur son site. En aval et à la périphérie de la vente, c’est aussi sous forme d’API qu’une société comme PayPal diffuse ses services de paiement à distance et que des transporteurs comme DHL, UPS ou Fedex fournissent des services de suivi de livraison. Les opérateurs télécoms sont aussi de la partie. Une API d’Orange permet par exemple à des éditeurs de logiciels professionnels d’intégrer des fonctionnalités d’envoi de SMS dans leurs applications. L’administration (Open Government Data Initiative aux États-Unis, par exemple) ou encore le secteur de l’énergie (API Google PowerMeter) sont d’autres secteurs où les API prennent une place grandissante, l’enjeu étant pour eux de rendre les données accessibles pour les usagers et d’améliorer la qualité de la relation.

 

Une formidable accélération de l’innovation

"Faire appel à la créativité des communautés de développeurs peut accélérer l’innovation de manière spectaculaire. Encore faut-il réussir à les mobiliser et motiver leur implication."

L’essor des API produit une rupture dans la manière de développer des offres, de les distribuer et d’accéder à des services tiers. Lancer une API peut accélérer de façon spectaculaire la création de nouveaux services en faisant appel à des sociétés externes mais surtout à l’énergie et à la créativité des communautés de développeurs. Ainsi, six mois après le lancement de sa plate-forme API, PayPal avait rallié 25 000 développeurs et 100 applications ou services nouveaux utilisant ses API étaient déjà en fonctionnement… Cette puissance d’innovation est sans commune mesure avec ce que l’entreprise aurait pu faire seule. Avec des millions de membres, le potentiel des communautés de développeurs est énorme. Encore faut-il être capable de les intéresser et de stimuler leur envie de contribuer. Pour entretenir la mobilisation et l’émulation autour de ses API, PayPal organise des concours d’innovation dotés de 150 000 dollars de prix.

Un nombre croissant d’éditeurs de logiciels et d’API ont recours à ce moyen, infiniment moins coûteux qu’un renforcement de leur R&D et bien plus efficace. En effet, beaucoup des développeurs sont des passionnés qui jouent le jeu « pour le fun ». La perspective de voir leur application récompensée les pousse à se dépasser – tant dans l’espoir d’être dédommagés de leurs efforts en empochant un prix que pour accroître leur réputation au sein de la communauté.

 

Quel modèle économique ?

"Freemium, gratuité, pay-per-use… Les éditeurs d’API s’écartent résolument de la vente de licences."

Si la plupart des API sont aujourd’hui gratuites pour le grand public, la capacité à monétiser le service est devenue une question centrale sur le segment B2B, sachant que les enjeux des éditeurs d’API diffèrent significativement de ceux des intégrateurs. Les API ouvrent potentiellement de nouvelles sources de revenus pour les uns comme pour les autres mais ce marché naissant cherche encore son modèle, en marge du modèle traditionnel de la vente/achat de licence. Dans un univers Web où la gratuité est la norme, les approches de type freemium donnent à l’éditeur la possibilité de monétiser son service sans écarter du jeu les petits intégrateurs (petits sites ou sites amateurs) : l’API est gratuite et le service n’est facturé à l’intégrateur qu’au-delà d’un volume de consommation/d’usage préalablement fixé.

Pour les API payantes, la facturation à l’usage (Pay-per-Use) devient le modèle le plus courant, la difficulté étant que le coût facturé à l’intégrateur reflète fidèlement la valeur ajoutée ou, a minima, les coûts supportés par l’éditeur pour fournir le service. Les API de paiement ou d’envoi de SMS sont typiquement dans ce cas. D’une manière générale, les approches imposant aux intégrateurs l’acquittement d’un droit d’entrée rencontrent peu de succès et sont rédhibitoires pour les développeurs « philanthropes » et bénévoles. Le principe de l’abonnement peut en revanche avoir du sens lorsque les volumes de données ou de services sont très importants.

 

Une autre vision de la propriété intellectuelle

Google dans la cartographie, Amazon dans le commerce en ligne ou encore Facebook dans les réseaux sociaux sont des exemples éclatants du potentiel que représentent les API. En essaimant leurs services et leur marque sur des milliers de sites, en faisant d’eux autant de « partenaires », ces acteurs se sont rendus incontournables et se sont mis pratiquement hors d’atteinte de leur concurrents. Au-delà de ces figures emblématiques, un très grand nombre d’entreprises sont concernées par le mouvement des API. Toutes les entreprises de service qui ont de l’information, des données ou des services dématérialisées à vendre sont des éditeurs potentiels d’API. Qui seront leurs clients ? Toutes les entreprises qui veulent enrichir leurs services et leurs offres rapidement et à moindre coût : éditeurs de logiciels professionnels, sites Internet, opérateurs de service…

Pour une entreprise qui souhaite se positionner sur ce marché, la plus grande difficulté est assurément de clarifier les objectifs poursuivis et d’appréhender les notions de propriété intellectuelle et de capital immatériel sous un autre angle. Faire entrer les API dans sa stratégie, c’est en effet s’inscrire dans une tendance globale qui paraît difficilement réversible : la séparation croissante entre le producteur/détenteur de données ou de services et celui qui les transforme et les distribue. Pour cette raison, le modèle d’un certain nombre de sites et d’éditeurs de logiciels s’apparentera de plus en plus à un iceberg dont les API constitueront la partie immergée…

Remi CLAUDON Manager chez Keyrus Management

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